Les fondamentaux de l’extraction en phase solide (SPE)
Idéalement, chaque échantillon devrait pouvoir être analysé avec précision et justesse sans aucune préparation spécifique. Malheureusement, ce n’est que très rarement le cas. Souvent, la matrice, qui peut contenir ou non les analytes d’intérêt, peut interférer avec les analyses qualitatives et quantitatives. Et lorsque l’on est confronté à une matrice particulièrement complexe et/ou des analytes présents à de très faibles concentrations, la dilution n’est plus une option et une préparation des échantillons plus poussée est nécessaire.
Il existe de nombreuses options possibles pour la préparation d’échantillons, mais l’une des techniques les plus utilisées est "l’extraction en phase solide" ou SPE (Solid Phase Extraction). Si vous avez besoin d’éliminer de votre échantillon les composés provenant de la matrice afin de pouvoir analyser vos analytes d’intérêt sans interférences, alors la SPE sera probablement une technique de choix. On peut considérer la SPE comme de la chromatographie liquide sans instrument ni chromatogramme, car on utilise les mêmes principes de base qui s’appliquent aux séparations en chromatographie en phase liquide ou gazeuse.
De la même manière qu’il existe différentes phases mobiles et stationnaires en chromatographie analytique, il existe également différentes options pour les supports et méthodologies SPE. C’est une bonne nouvelle, car nous n’avons pas encore découvert la technique de préparation d’échantillons "universelle" répondant à toutes les applications, et en attendant que cela arrive, avoir différentes options pour pouvoir s’adapter aux différentes matrices est une bonne chose. Le développement de la méthodologie SPE n’est d’ailleurs pas forcément toujours nécessaire car de nombreux produits SPE spécifiques à certaines applications sont disponibles. Cependant, lorsque l’on a besoin de développer une méthode SPE, cette abondance de choix peut être déroutante, en particulier lorsque l’on découvre la SPE.
Cet article explique comment faire le meilleur choix en SPE en fonction de votre échantillon et vos objectifs analytiques. Il couvre les principes de base de la SPE, les principaux mécanismes de séparation, les objectifs et stratégies types, les formats et caractéristiques, ainsi que le développement de méthodes. Comme il n’existe pas encore de solution miracle répondant à toutes les applications, le but de cet article est de vous présenter différentes méthodes SPE, d’en expliquer le fonctionnement et de vous donner des instructions détaillées afin de vous guider dans votre choix.
L’Extraction en Phase Solide – La Chromatographie Silencieuse
Si vous avez besoin de développer une méthode SPE pour votre échantillon parce que les solutions existantes ne sont pas adaptées à vos objectifs analytiques, il est utile de garder à l’esprit que la SPE est essentiellement une autre forme de chromatographie, à l’exception des bénéfices apportés par les détecteurs présents dans les systèmes analytiques modernes. Sans chromatogramme, il est facile d’oublier que la chromatographie se produit dans une cartouche SPE et c’est pourquoi nous appelons souvent la SPE "la chromatographie silencieuse".
La SPE a sa phase mobile, qui sont les solvants utilisés pour éliminer les contaminants d’un échantillon ou pour éluer les analytes d’intérêt. Il y a aussi une phase stationnaire, qui est le support SPE. Et les paramètres qui affectent/modifient une méthode SPE sont les mêmes que ceux affectant/modifiant la séparation chromatographique. Par exemple, la rétention chromatographique, la sélectivité et l’efficacité sont toutes liées à la résolution souhaitée entre les analytes d’intérêt et les composés interférents provenant de la matrice.
Enfin, le contrôle du débit est critique pour s’assurer que la SPE peut effectuer la séparation de manière efficace. Il doit y avoir suffisamment d’opportunités d’interactions avec le support pour éviter la perte d’analytes avec les composés indésirables provenant de la matrice.
Comme pour la chromatographie, une méthode SPE appropriée réunit les conditions qui créent différents degrés d’interaction entre les composés présents dans l’échantillon et les phases mobile et stationnaire de la méthode SPE. Comprendre la composition de votre échantillon est une première étape importante dans tout développement de méthode SPE. Sans connaître les propriétés physiques et chimiques de votre échantillon, il sera très difficile de trouver la meilleure combinaison support/solvant(s) SPE pour cet échantillon.
Mécanismes de Séparation SPE
Savoir reconnaître les mécanismes d’interaction primaires présents dans la plupart des produits SPE peut vous aider à déterminer les informations et caractéristiques importantes à connaître sur votre échantillon. Il existe deux principaux mécanismes d’interaction utilisés en SPE : la polarité et l’échange ionique. Les produits SPE sont généralement basés sur l’un ou les deux de ces mécanismes, et ils peuvent couvrir une large gamme de polarités ou de charge et de force ionique, en fonction des besoins de votre échantillon.
Polarité
Lorsque l’on se base sur la polarité pour séparer les analytes de la matrice, l’un des premiers choix à faire consiste à décider quel est le mode le plus approprié : phase normale ou phase inverse. Un support SPE relativement polaire (par exemple de la silice non-greffée, de l’alumine ou du Florisil) et une phase mobile relativement non-polaire (c’est-à-dire la phase normale) peuvent être associés pour retenir les constituants polaires de l’échantillon tout en éluant les constituants non-polaires. De manière alternative, un support SPE relativement non-polaire (par exemple de la silice greffée C18 ou C8) peut être associé à une phase mobile relativement polaire afin d’obtenir l’effet inverse. Cette configuration est d’ailleurs connue sous le nom de "phase inverse", en tant qu’opposée de la "phase normale", cette dernière étant historiquement le mode de séparation découvert et développé en premier. Certains supports peuvent travailler soit en phase normale soit en phase inverse, en fonction de l’échantillon et du choix des solvants (par exemple les supports CarboPrep Plus ou Diol).
Les phases stationnaires SPE existent dans une large gamme de polarités (par exemple : les supports C18 ont une rétention non-polaire supérieure aux supports C8). De plus, le(s) solvant(s) utilisé(s) pour la phase mobile offre(nt) également un large choix de polarités, facilement modifiables et optimisables en utilisant des mélanges de solvants, des tampons ou d’autres additifs. Il existe un grand degré de finesse possible lorsque l’on utilise et exploite les différences de polarité comme caractéristique clé pour séparer les analytes d’intérêt des interférences matricielles (ou les uns des autres).
L’adage "qui se ressemble s’assemble" peut être utile à garder en tête lorsque l’on utilise la polarité comme moteur de la séparation. Plus un composé est similaire en polarité à une phase mobile ou stationnaire, plus il est susceptible d’interagir plus fortement. Des interactions plus fortes avec la phase stationnaire conduisent à des rétentions plus importantes sur le support SPE. Des interactions fortes avec la phase mobile conduisent à des rétentions plus faibles et donc des élutions plus précoces.
Echange ionique
Si les analytes d’intérêt ont toujours une charge, ou s’ils peuvent être mis dans un état chargé par les conditions de la solution dans laquelle ils sont dissous (par exemple grâce au pH), alors la méthode pour les séparer de la matrice (ou les uns des autres) devra utiliser des supports SPE ayant une charge propre, qui pourront donc attirer et interagir avec eux par échange ionique.
Ici, les règles classiques de l’attraction électrostatique s’appliquent. Contrairement aux séparations basées sur les caractéristiques polaires et les interactions de type "qui se ressemble s’assemble" (voir plus haut), les interactions d’échange ionique suivent, elles, la règle "les opposés s’attirent". Prenons par exemple un support SPE ayant une charge positive à sa surface. Pour équilibrer cette surface chargée positivement, il y a généralement une espèce chargée négativement, un "anion", qui est initialement liée à cette surface. Lorsque votre analyte chargé négativement sera chargé sur le support SPE, il pourra déplacer l’anion initialement lié et interagir avec la surface chargée positivement. Il en résulte une rétention de l’analyte sur la phase SPE. Cet échange entre les deux anions est appelé "échange d’anions", et ce n’est qu’un exemple de la catégorie beaucoup plus large des produits SPE d’"échange ionique". Dans cet exemple, les espèces chargées positivement auraient tout intérêt à rester dans la phase mobile et ne pas interagir avec la surface chargée positivement elle-aussi, donc elles ne seraient pas retenues. De plus, à moins que la surface SPE n’ait des caractéristiques supplémentaires à ses propriétés d’échange ionique (phase inverse par exemple), les espèces neutres seraient également peu retenues. Mais de tels produits SPE de "mode mixte" existent ! Ils vous permettent d’utiliser les mécanismes de rétention de phase inverse ET d’échange ionique sur le même support SPE (par exemple les supports SPE polymériques + échange ionique).
Il est important de garder à l’esprit la nature de l’état de charge de l’analyte lorsque l’on utilise des mécanismes d’échange ionique. Si l’analyte est toujours chargé, et ce quel que soit le pH de la solution dans laquelle il se trouve, il est considéré comme une espèce "forte". Si l’analyte n’est chargé que dans certaines conditions de pH, il est alors considéré comme une espèce "faible". Connaître cette caractéristique de votre analyte va déterminer le type de support SPE à utiliser. Les supports SPE d’échange ionique sont également définis en termes de "force" ou de "faiblesse" et penser aux "opposés qui s’attirent" vous aidera aussi ici. Il est recommandé d’associer un support SPE d’échange ionique faible avec un analyte fort et un support SPE d’échange ionique fort avec un analyte faible. Si l’on associe un analyte fort avec un support d’échange ionique fort alors il est très probable que l’attraction entre les deux soit trop forte pour éluer facilement l’analyte sans avoir à utiliser des solutions acides ou basiques très fortes, ce qui n’est pas toujours souhaitable ou pratique. De manière similaire, un analyte faible associé avec un support d’échange ionique faible peut avoir pour conséquence une rétention insuffisante de l’analyte, résultant alors dans une perte de cet analyte.
Pour expliquer le mécanisme d’échange ionique, supposons par exemple que votre échantillon contient un acide faible (pKa 2-8) que vous voulez retenir sur un support SPE. Pour que le mécanisme d’échange ionique fonctionne, il faudra que l’analyte et le support soient dans leurs états chargés. Comme l’acide faible sera associé à un support d’échange ionique fort, ce support ne sera pas un problème car sa charge est permanente. Cependant, le pH de l’échantillon doit pouvoir mettre l’analyte dans son état chargé (règle du pKa ±2 – dans notre exemple, comme nous avons un acide faible, le pH serait deux unités au-dessus du pKa). Plus généralement, on dit des acides qu’ils sont des espèces qui peuvent être considérées comme "abandonnant la positivité", les laissant donc chargés négativement. Comme l’on souhaite retenir sur le support l’analyte chargé négativement (la "base conjuguée" de l’acide faible, qui est un anion) alors on devra utiliser un produit capable d’attirer les anions, autrement dit un support d’échange d’anions. Dans cet exemple spécifiquement, un support d’échange anionique fort est recommandé, car il retiendra fortement l’analyte chargé jusqu’à ce que les conditions du solvant d’élution changent et permettent de "désactiver" efficacement l’état de charge de l’analyte en le "neutralisant" (dans notre exemple un solvant d’élution avec un pH de deux unités en-dessous du pKa de l’analyte). A ce stade, l’analyte neutre ne sera plus retenu par le support d’échange ionique et pourra être élué.
Et l’inverse est vrai si votre échantillon contient une base faible. Les bases faibles sont des espèces qui peuvent être considérées comme "abandonnant la négativité", les laissant donc chargés positivement ("l’acide conjugué" de la base faible est un cation). Un support d’échange cationique fort sera donc recommandé dans ce cas, tout en s’assurant que le prétraitement de l’échantillon mettra bien l’analyte dans son état chargé (deux unités en-dessous du pKa de l’analyte dans cet exemple).
Même si cela peut être déroutant, en particulier pour les personnes novices dans la technique, les supports d’échange ionique peuvent être très efficaces, surtout lorsqu’ils sont associés, dans un format mode mixte, à un mécanisme de rétention basé sur la polarité (comme vu auparavant).
Interactions de surface secondaires non caractérisées
Il est important de savoir qu’il peut exister des interactions de surface non caractérisées qui peuvent affecter la capacité globale de rétention du support. On peut trouver des exemples de ces interactions lorsque l’on examine les différents types de silice utilisées pour les supports SPE, particulièrement ceux utilisés en phase inverse avec une phase greffée (comme un ligand C18 par exemple). Dans le cas d’une silice C18, si la surface de la silice comporte de nombreux groupes silanols (c’est-à-dire Si-OH) disponibles pour interagir avec l’échantillon alors les caractéristiques de rétention du support peuvent inclure plus que la seule rétention non-polaire du ligand C18. C’est pour cette raison qu’il est courant de voir qu’un support de silice a ou n’a pas été "end-cappé". Le procédé d'"end-capping" a pour but de créer une réaction avec les groupes silanols exposés et de remplacer les groupes hydroxy (-OH) par des groupes méthyle (-CH3) afin d’atténuer au maximum les interactions potentielles avec les groupes silanols. En plus des groupes silanols exposés, la présence de métaux incorporés dans une particule de silice peut également créer des interactions secondaires non caractérisées, ce qui peut aussi impacter la capacité global de rétention.
La plupart des fournisseurs de SPE s’efforcent de fournir des produits parfaitement caractérisés et fiables, mais des différences peuvent exister entre les fournisseurs, même parmi des produits normalement identiques. En conséquence, il est recommandé de vérifier les performances du produit lors d’un changement de fournisseur ou, dans certains cas, lors du changement de lot d’un produit d’un même fournisseur.
Stratégies & Objectifs SPE
Après s’être familiarisé avec les mécanismes de base en jeu dans la plupart des produits SPE, l’étape suivante est de déterminer ce qu’il faut retenir et ce qu’il faut éluer. Dans une certaine mesure, cette décision sera liée aux objectifs de la méthode SPE. La SPE est généralement utilisée pour une ou plusieurs des raisons suivantes.
Purification/Nettoyage
La purification d’un échantillon est l’objectif principal de la plupart des méthodes SPE. Ces méthodes donnent la priorité à une séparation sélective des analytes d’intérêt des autres composés de la matrice pouvant interférer avec l’analyse. Séparer de manière sélective vos analytes des interférents et/ou contaminants potentiels provenant de la matrice, avant d’effectuer la séparation analytique, peut faire toute la différence ! La majorité des personnes développant de nouvelles méthodes SPE visent les bénéfices suivants.
Eviter les co-élutions avec les interférences provenant de la matrice :
Bien que les co-élutions ne soient jamais idéales, les conditions utilisées impacteront grandement la gravité de ce problème. Par exemple, dans le cas d’analyses GC-FID ou LC-UV, une co-élution peut rendre impossible la quantification de l’analyte d’intérêt. Pire encore, cela peut conduire à une fausse identification si l’instrument ne peut distinguer le pic de l’interférent de celui de l’analyte d’intérêt.
Les utilisateurs de MS et MS/MS peuvent également être impactés négativement. Même si une MS peut être capable de faire la différence entre un composé et une interférence co-éluant avec ce composé, ces interférents provenant de la matrice peuvent toujours diminuer ou augmenter l’efficacité de l’ionisation des analytes d’intérêt – cela ayant pour conséquence des signaux sous- ou surévalués. Ces effets peuvent être particulièrement gênants car il se peut qu’on ne les observe pas directement. Mais ils peuvent être mesurés en comparant les résultats d’étalons appariés à la matrice ("matrix-matched") soigneusement préparés dans une matrice représentative véritablement vierge (c’est-à-dire une matrice qui ne contient au départ aucun des analytes) aux résultats d’étalons préparés en solvant pur. La plupart du temps, les étalons appariés à la matrice sont nécessaires pour corriger ces effets, mais il serait également utile que ces composés interférents provenant de la matrice puissent être éliminés de l’échantillon avant son analyse.
Les composés provenant de la matrice peuvent également causer des problèmes de ligne de base et ce phénomène peut apparaître même si les interférences matricielles ne masquent pas le pic d’intérêt. Ces composés provenant de la matrice peuvent déstabiliser la ligne de base, rendant plus difficile l’intégration automatique. Des lignes de bases instables peuvent nécessiter des intégrations manuelles, pic par pic, créant donc des charges de travail supplémentaires.
Les composés provenant de la matrice sont donc au mieux des petites nuisances. Au pire, ils peuvent conduire à des erreurs non détectées dans les résultats rendus. Mais il existe des moyens de résoudre ces problèmes s’ils apparaissent dans votre analyse.
Si votre échantillon contient un faible nombre d’analytes d’intérêt et que votre matrice est relativement propre alors optimiser votre séparation analytique devrait suffire. Mais si la matrice est tout simplement trop complexe et/ou si la liste des analytes d’intérêt est trop longue, alors l’optimisation de la séparation analytique ne suffira pas. Lorsque le chromatogramme est trop chargé, vous avez besoin de le "nettoyer" de manière sélective avant la séparation analytique. Et la SPE peut être la réponse appropriée.
Eviter les interactions indésirables avec les interférences provenant de la matrice :
Alors que certaines matrices éluent avec vos analytes d’intérêt, provoquant des problèmes de détection, d’autres peuvent ne pas éluer du tout et rester sur le trajet de l’échantillon (par exemple les "inlets" GC, les colonnes GC ou LC, etc.). Dans ces cas, les composés provenant de la matrice de l’échantillon précédent peuvent causer une nouvelle interaction, indésirable, avec vos analytes d’intérêt. Cette accumulation de matrice peut augmenter la rétention des analytes d’intérêt, ralentissant leur mouvement au travers du système analytique et déformant leur pic chromatographique (pic qui traîne par exemple). Dans certains cas, ces composés indésirables peuvent également interagir directement avec les analytes d’intérêt et par réaction chimique créer de tout nouveaux composés qui n’étaient pas présents dans votre échantillon au départ. Lorsque ce phénomène se produit avant la colonne analytique, il peut donner naissance à de nouveaux pics. Lorsque ce phénomène se produit dans la colonne analytique, il peut déformer les pics chromatographiques. De telles contaminations du système chromatographique par la matrice peuvent compromettre la qualité des données et il est donc préférable de les éviter en amont. On peut atténuer ces effets en diluant l’échantillon mais en faisant cela on diminue la concentration des analytes d’intérêt et donc leur sensibilité. Si vous constatez que la dilution n’est pas la solution face à une pollution potentielle alors l’extraction en phase solide devrait pouvoir vous aider.
Eviter les arrêts machine dus à l’accumulation de matrice :
L'accumulation de matrice dans un instrument GC ou LC entraînera des problèmes au au fil du temps. A court terme, vous aurez peut-être la chance d’éviter ces interactions indésirables entre les analytes d’intérêt et les composés provenant de la matrice, mais à long terme, il est fortement probable que des problèmes de pollution/contamination se développent nécessitant l’arrêt de la machine et sa maintenance.
Dans le meilleur des cas, votre système continue à bien fonctionner entre chaque maintenance préventive. Mais il n’est pas rare qu’une séquence d’échantillons échoue entre ces maintenances programmées. Dans de tels cas, une maintenance et une recalibration doivent être effectuées, stoppant un appareil censé faire des analyses.
Fractionnement
La partie précédente traitait de la nécessité de séparer les analytes d’intérêt des composés de la matrice potentiellement interférents ou contaminants. Dans d’autres cas cependant, il peut être utile de séparer les analytes les uns des autres avant d’effectuer leur analyse quantitative.
Que se passe-t-il quand un échantillon contient deux familles différentes de composés (des composés aliphatiques et aromatiques dans les hydrocarbures de pétrole (EPH) par exemple) ? Chaque famille peut nécessiter sa propre méthode d’analyse et dans ces cas l’extraction en phase solide peut aider à "dégrossir" le travail de séparation. L’utilisation de la SPE pour fractionner un échantillon vous permet de le préparer afin de pouvoir ensuite affiner la séparation analytique.
Concentration
Les chromatographistes sont souvent confrontés aux défis liés aux analyses de composés à des concentrations extrêmement faibles. Parfois, ces concentrations sont même bien en deçà des limites de quantification fiables des instruments disponibles. Dans ce cas, il faut concentrer l’échantillon avant son analyse. Une solution possible, en supposant que vous ayez suffisamment d’échantillon, est de développer une méthode SPE qui retiendra fortement les analytes d’intérêt tout en permettant d’éliminer la majeure partie de la matrice. Une quantité détectable des analytes d’intérêt peut être collectée puis transférée dans un flacon pour analyse via le solvant d’élution.
Stratégies SPE
On peut envisager les différentes stratégies SPE en se posant les questions suivantes : "Qu’arrive-t-il aux analytes ? Et comment cela cadre-t-il avec les objectifs recherchés ?". En fin de compte, quelque chose est retenu par le support SPE et quelque chose d’autre est élué séparément, et, entre les deux, il est recommandé de se focaliser sur les analytes.
Si l’objectif principal est de séparer les analytes des composés interférents provenant de la matrice, le plus simple serait d’avoir un support SPE qui retient fortement la matrice mais pas les analytes, élués eux par un solvant fort. Cette approche de "pass-through" permet à un extrait d’être élué à travers le support SPE et collecté directement, le rendant potentiellement prêt pour son analyse.
Cependant, il n’est pas rare que la nature de l’échantillon soit telle que la meilleure séparation des analytes des interférences provenant de la matrice soit obtenue par "capture de l’analyte". En utilisant un support SPE qui retient fortement (mais pas trop) les analytes, la matrice peut être éliminée, et les analytes peuvent ensuite être élués en utilisant un solvant d’élution fort. Cette approche de "capture de l’analyte" est probablement nécessaire pour le fractionnement de l’échantillon si l’objectif de la SPE est d’effectuer une première séparation de l’analyte, et elle est critique lorsqu’il s’agit de concentrer les analytes avant leur analyse.
Formats et caractéristiques SPE
Il est conseillé d’aborder le développement de méthodes SPE en comprenant les caractéristiques de l’échantillon, en définissant les objectifs de la préparation de cet échantillon, et en sélectionnant les supports SPE et les solvants qui permettront la séparation des analytes d’intérêt des interférences. Mais il faut également prendre des décisions très pratiques concernant la méthode SPE globale. Il est courant de voir des spécifications différentes dans les descriptions des supports SPE, donc il est important de comprendre comment ces différentes caractéristiques peuvent affecter les performances d’un produit donné.
En ce qui concerne le format, il existe plusieurs options, certaines étant plus fréquemment utilisées que d’autres.
- Cartouches : un des formats les plus courants pour les produits SPE est la cartouche, qui peut être utilisée dans des systèmes manuels et des systèmes automatisés. Elle se compose du corps de la cartouche qui contient un (des) lit(s) de phase "packé(s)" entre des frittés qui maintiennent ce lit en place, et d’un réservoir positionné au-dessus du lit de phase pour permettre d’ajouter l’échantillon et les solvants de conditionnement ou d’élution. Les cartouches sont disponibles dans de nombreux formats différents donc il est important de prendre en compte la taille de leur réservoir par rapport au volume d’échantillon à extraire. Il est également important de prendre en compte la taille du réservoir par rapport à la masse du support SPE car cela affectera la capacité de rétention de la cartouche. La taille du réservoir sera-t-elle suffisante pour contenir le volume d’échantillon à analyser ? La quantité de support SPE permettra-t-elle une rétention adéquate sans perte au chargement ("breakthrough") ?
- Plaques 96-Puits : le format plaque 96-puits est couramment utilisé par les laboratoires à haute cadence qui analysent quotidiennement un très grand nombre d’échantillons. La conception de ce format est similaire à la cartouche, le lit de phase étant contenu entre des frittés, avec un réservoir sur le dessus pour contenir l’échantillon et les solvants de lavage/élution. La différence tient dans le fait que chacun des 96 puits agit comme une cartouche individuelle, ce qui permet donc l’analyse d’un très grand nombre d’échantillons. L’utilisation du format plaque 96-puits signifie également que les flacons LC/GC et leurs bouchons ne sont plus nécessaires, ce qui est très pratique car les plaques SPE 96-puits s’adaptent très facilement sur des plaques de collecte 96-puits. Dans certains cas, il se peut que le choix d’une plaque 96-puits soit prédéterminé car ce format est généralement fourni avec de nombreux types d’équipements spécialisés, des pipettes aux passeurs automatiques d’échantillons.
- SPE Dispersive (dSPE) : développée comme un moyen relativement rapide et simple de purifier les extraits collectés par des méthodologies QuEChERS, la SPE dispersive est une technique qui consiste à ajouter le support SPE directement à l’extrait puis à simplement secouer et ensuite centrifuger l’extrait avant son analyse. Les produits dSPE sont généralement développés pour être couplés avec des extractions QuEChERS et sont donc plutôt axés sur le marché de la sécurité alimentaire pour lequel la technique QuEChERS a été initialement développée.
- Préparation d'échantillons en ligne (ILSP) : pour les applications LC-MS et LC-MS/MS, il est possible d’ajouter une étape de purification de l’échantillon "en ligne" à l’analyse existante grâce à l’addition d’une cartouche contenant une phase stationnaire compatible avec les conditions analytiques LC. Dans cette configuration, l’échantillon est injecté dans l’instrument et passe tout d’abord à travers la cartouche ILSP. La séparation des analytes de la matrice se produit dans la cartouche ILSP. Ensuite, une fois que les analytes ont été élués de la cartouche et se dirigent vers la colonne analytique (mais avant que les composés de la matrice soient eux élués), une vanne supplémentaire commute et permet à une pompe additionnelle de faire passer le débit à travers la cartouche ILSP. Au même moment où les analytes passent à travers la colonne analytique et jusqu’au détecteur, un solvant de lavage nettoie la cartouche ILSP par "backflush", la préparant pour la prochaine injection et permettant donc d’enchaîner les injections sans temps morts.
- Disques: pour certaines applications spécifiques (comme par exemple pour la concentration d’échantillons d’eau potable lorsque l’on analyse des pesticides chlorés ou azotés), le support est intégré dans un format disque en verre ou en PTFE. Ce format est certaines fois mentionné dans des méthodes (comme par exemple les méthodes U.S. EPA 515.2 et 553). Les formats disques peuvent également être utiles pour la purification d’échantillons qui pourraient autrement obstruer les cartouches. De plus, comme le débit recommandé pour l’utilisation de disques est généralement plus élevé que celui recommandé pour des cartouches, de grands volumes d’échantillons (ex. 1l) peuvent être purifiés en moins de temps à l’aide d’un disque SPE.
- Vrac : certains supports SPE sont commercialisés en vrac pour les personnes qui préfèrent créer leur propre technique de préparation d’échantillons. A moins d’avoir une raison très spécifique qui nécessite l’utilisation de vrac, c’est un format très rare dans le développement de méthodes SPE.
En plus du format, les matériaux utilisés sont également importants, que ce soit concernant la compatibilité avec l’échantillon ou par rapport aux potentielles interférences indésirables provenant du produit SPE lui-même. Même des cartouches plastiques de la plus haute qualité peuvent ne pas être suffisamment résistantes à certains échantillons ; dans ce cas, du verre inerte peut être nécessaire. De plus, même si les matériaux des frittés, qui sont faits à partir de composés comme le PTFE, sont généralement extrêmement inertes, si l’analyse comprend la détection à très bas niveau de composés comme les substances poly- ou perfluorés (PFAS), une autre option sera nécessaire pour éviter la contamination de fond.
Autres caractéristiques de la SPE à retenir
Après avoir identifié le mécanisme de séparation à utiliser (polarité, échange ionique ou les deux) et le support à tester, il reste encore plusieurs caractéristiques SPE supplémentaires dont on peut tenir compte. Ces caractéristiques peuvent impacter les performances d’une méthode, donc il est utile de comprendre pourquoi elles sont suffisamment importantes pour être incluses dans la description d’un produit.
Vous trouverez ci-dessous une liste des caractéristiques les plus couramment décrites et la manière dont elles peuvent impacter les performances d’une méthode SPE.
Caractéristiques du support SPE
- Particule : il est assez rare de voir différentes tailles de particules ou tailles/volumes de pores dans les mêmes gammes de produits d’un même fournisseur ; mais il peut exister d’importantes différences lorsque l’on compare un fournisseur à un autre. Si la taille des pores des particules est suffisamment grande pour que les analytes d’intérêt puissent y pénétrer, alors la particule et la taille/le volume des pores deviennent pertinents lorsque l’on s’attache aux deux caractéristiques suivantes : la surface spécifique et le taux de carbone.
- Remarque : la taille des particules peut être décrite soit par une mesure directe de la taille, telle qu’une particule de 60 µm, soit par une "taille de maille" ("mesh size"). La taille des mailles est une mesure du nombre d’ouvertures dans un pouce (inch) linéaire de maille : une taille de maille plus élevée signifie qu’il y a plus d’ouvertures de petites tailles. Des tailles de maille plus élevée correspondent à des particules plus petites.
- Surface Spécifique (généralement donnée en m²/g) : définie par la taille de la particule, le volume et la taille des pores de la particule, la surface spécifique est une représentation de la surface disponible pour les interactions avec l’échantillon lors de son passage à travers le support. Plus la surface spécifique est élevée, plus la rétention est élevée. Les supports avec de petites tailles de particules et de petites tailles de pores auront des surfaces spécifiques plus importantes, gramme pour gramme, que les supports avec des tailles de particules et de pores plus larges.
- Taux de Carbone (généralement donné en % de masse totale du support) : le concept du taux de carbone est similaire et lié à celui de la surface spécifique. Certains supports SPE ont un greffon (ligand) lié à la surface de la particule. L’exemple classique est un ligand C18 greffé à la surface d’une particule de silice, ce qui transforme une particule normalement de phase normale en un support SPE de phase inverse grâce à la capacité du ligand C18 à retenir les composés non-polaires. Dans ces cas, la valeur du taux de carbone indique la couverture de la surface par le ligand greffé mais également la capacité de rétention du support. Cette valeur est utilisée comme valeur de comparaison/référence : les supports ayant des taux de carbone plus élevés, masse pour masse, auront des capacités de rétention plus élevées que les supports avec un taux de carbone plus faible.
- Capacité d’Échange Ionique (généralement donnée en mEq/g) : la capacité d’échange ionique d’un support est la mesure du nombre de sites disponibles pour échanger des contre-ions liés par des liaisons faibles par des ions capturés dans l’échantillon. Une explication plus détaillée de l’unité couramment utilisée ici, les milli-équivalents/gramme, dépasse le cadre de cet article mais l’on peut garder en tête que plus cette valeur est élevée, plus la capacité du support à retenir les espèces chargées présentes dans l’échantillon est élevée.
Caractéristiques des cartouches
- "Hold-Up Volume" : le volume de rétention d’un produit SPE est le volume de solvant nécessaire pour éluer un composé non retenu. On parle de ce concept lorsque l’on entend des termes tels que "volume/temps de rétention" ou "volume/temps mort" en référence aux systèmes analytiques de chromatographie.
- Capacité de Chargement : La capacité de chargement d’un support SPE est une estimation de la quantité de composé (en masse) qu’il peut retenir et elle est généralement estimée à environ 10% de la masse totale du support. Mais cette estimation suppose que le composé est très bien retenu par le support, en utilisant un solvant faible. Plusieurs facteurs peuvent impacter la capacité de charge (comme par exemple la nature de l’échantillon, le solvant, le débit, etc.) donc la capacité de charge réelle peut être beaucoup plus faible pour les composés qui n’interagissent pas avec les mécanismes principaux de séparation du support ou qui sont élués avec des solvants très forts. Comme indiqué ci-dessous, la façon la plus fiable de savoir cela pour l’échantillon et pour la méthode SPE est de déterminer la capacité de charge de manière empirique.
Utilisez les recommandations d’utilisation, incluses avec les produits SPE, comme guide
Compte tenu de la grande variation entre les différents types d’échantillons, d’analytes, et d’analyses, aucune méthode SPE ne sera "universelle". Mais après avoir pris le temps de bien connaître son échantillon et avoir choisi le produit SPE approprié, vos objectifs analytiques pourront être atteints en suivant les recommandations d’utilisation du produit et les optimisant si nécessaire.
Importance de l’expérimentation lors d’un développement de méthode SPE
Il est recommandé d’effectuer plusieurs expériences lors du développement de la méthode pour comprendre où se trouvent les analytes d’intérêt à toutes les étapes de la méthode SPE. Ces expériences permettront d’optimiser votre analyse concernant les points suivants :
- Valider le choix du support et des solvants.
- S’assurer de l’utilisation du format SPE adéquat pour atteindre les objectifs de la méthode.
- S’assurer que les analytes ne sont pas perdus/élués lors des étapes de chargement et de lavage.
- S’assurer que les analytes ne sont pas restés sur le support (car ils n’ont pas été élués efficacement dans les conditions choisies).
En règle générale, deux expériences sont à conduire : un "bilan massique" et une étude de "perte" ("breakthrough"). Et les deux ne doivent être conduites que pendant le développement de la méthode pour s’assurer que le protocole est bien adapté aux échantillons en question.
Bilan massique : cette étude permet d’évaluer le mouvement des analytes durant le processus SPE, ce qui implique de collecter tout ce qui élue du produit SPE à chaque étape du processus. Pour cette étude, utiliser des échantillons soigneusement préparés, qui auront la composition la plus proche possible de celle d’échantillons réels, vous confirmera si vous retenez ce que vous souhaitez retenir et si vous éluez ce que vous souhaitez éluer, à chaque étape du processus.
Perte d'analytes : cette étude est menée en utilisant différents volumes d’échantillons (mêmes concentrations d’analyte) qui encadrent le volume prévu pour la méthode en développement. Dans chaque cas, l’échantillon est chargé et le processus SPE a lieu. Une fois les différents volumes de chargement ajoutés, le processus SPE a lieu et les extraits sont collectés pour analyse. Le taux de récupération est calculé en fonction de la concentration et du volume total utilisé dans chaque cas. S’il existe un problème de rétention, les résultats obtenus par cette étude devraient faire apparaître les points auxquels différents composés, dans ces conditions de chargement, ne seraient pas retenus et seraient donc perdus lors de l’étape de chargement de l’échantillon. Des précautions doivent être prises pour s’assurer que chaque échantillon est chargé au même débit pour s'assurer que l’efficacité de la rétention n’est pas modifiée en raison d’un débit de chargement différent.
Avez-vous besoin d'aide pour développer une méthode SPE ?
Il y a de nombreux choix à faire lors du développement d’une méthode SPE, et les bases énoncées dans cet article décrivent les différentes étapes qui aideront à faire ces choix. L’extraction en phase solide peut être considérée comme la chromatographie sous un autre nom. Plus vous avancerez dans le développement d’une méthode SPE, plus vous pourrez avoir des questions spécifiques à votre matrice, vos analytes d’intérêt et votre analyse.
La chromatographie est notre métier. Contactez-nous pour toute question sur l’utilisation de la SPE dans votre laboratoire.